Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
jardin secret
jardin secret
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 85 498
23 août 2011

Ma grand-mère est à l'hôpital depuis ma dernière

Ma grand-mère est à l'hôpital depuis ma dernière note. Le téléphone a sonné en vain et pour cause elle était plongée dans un profond état d'inconscience. Les pompiers sont rentrés les premiers. Elle respirait encore, mais ses poumons étaient obstrués par les vomissures qu'elle avait inhalées.

Aux urgences, ils lui ont fait un scan cérébral pour voir si un AVC avait pu provoquer cette perte brutale de conscience. Rien n'a été détecté. Le medecin qui nous a reçues nous a expliqué qu'elle était dans le coma et que ses poumons étaient en mauvais état. Il nous a posé des questions pas très franches, pas très claires pour tenter de comprendre sa perte de conscience : prenait-elle des médicaments, était-elle dépressive ? Il n'a pas été encourageant pour la suite.

Et nous, avec ma soeur, la seule qui question qui nous taraudait était de savoir depuis quand elle était dans cet état...cela datait -il de quelques heures avant notre arrivée, du matin ou même de la veille au soir. Une seule question et des reproches qui fusent dans ma tête : et si nous étions arrivées plus tôt, et si je l'avais appelé dans la journée et si...cette sensation d'être arrivée trop tard, de ne pas avoir su être là avant.

Et en fond, insidieuse, une autre question : avait-elle pris trop de cachets, ne trouvant pas le sommeil ? Car tout indiquait que cela c'était produit la veille au soir. Alors au matin, avant d'aller à l'hôpital nous sommes passées chez elle. Sur son chevet la boite de somnifères, avec un seul cachet à l'intérieur. Mais comment savoir puisque nous ne savions pas combien il en restait. Le nom du médicament aurait-déjà dû nous mettre la puce à l'oreille, mais peut-être n'étions nous pas encore prêtes à le voir.

Le medecin de la veille avait été pessimiste sur son état, mais c'est réveillée que nous l'avons retrouvée. Elle nous a reconnu et ne semblait avoir rien perdu de ses facultés. Il lui était juste pas possible de nous parler à cause du masque à oxygène. Déjà ses poumons faisaient moins de bruit à la respiration. Nous n'étions peut-être pas arrivées trop tard alors ...  Les larmes ont encore coulé mais de soulagement, cette fois.

Dans l'après-midi, elle a enfin retrouvé la parole. Et les mots qu'elle a alors prononcés, jamais je ne les oublierai...jamais. Elle s'est d'abord excusée d'être là, de nous déranger.

"Ce n'est pas grave Mamie, on ne choisit pas d'être malade".

"Si, j'ai choisi".

Et elle nous a tout raconté. Et chaque mot qui sortait de sa bouche nous faisait mal, si mal...et nos larmes qui coulaient à toutes les trois dans cette chambre d'hôpital.

Elle a pris 1 cachet, puis 2, puis 3...puis 28...il n'en restait plus qu'un dans la boîte. Elle a fait ça pour en finir, pour mourrir pour oublier sa solitude, pour ne plus vivre sans y voir, devenant de plus en plus aveugle...

On a tout écouté, tout entendu...et là tout a fait lien. On comprend tout le cheminement, on refait le trajet à l'envers.

On voit ce que l'on n'avait pas vu, ou ce qu'on n'avait pas voulu voir. On se souvient qu'elle avait dit, qu'elle allait arrêter de prendre ses cachets ... on se souvient que son medecin, vu en début de semaine, ne lui a pas prescrit les mêmes cachets pour dormir...cachets retirés du marché parce que des gens se suicidaient avec lui at-elle dit. Mais voilà, elle, il lui en restait une boîte de ces fichus cachets ! La solution était là, sous son nez, donnée par un professionnel de la santé...pourquoi chercher plus loin. Pourquoi ne pas s'éteindre tout doucement après tout, après 86 ans de vie.

 Et moi à travers mes larmes, à travers ce désespoir de ma grand-mère, cette souffrance exprimée, je n'ai pu m'empêcher de penser, que non, nous n'étions pas arrivées trop tard, mais trop tôt ... C'est peut-être affreux, mais c'est ce que je me suis dit. Aujourd'hui, je ne sais plus quoi penser. J'avais besoin de lui parler, j'avais besoin de la voir sortir de son coma , de comprendre ce qui c'était passé ... maintenant que je sais, je me dis que peut-être la nature, va l'aider à partir tranquillement. Je ne sais pas si c'est bien, si c'est mal, de penser ainsi ...mais cette souffrance qu'elle exprime me fait si mal. Elle était prête à partir, je suis prête à la voir partir, même si je l'aime de tout mon coeur et de toutes mes forces.

Hier, elle avait de la fièvre. les infirmières ne savaient pas trop pourquoi. Nous avons discuté de choses et d'autres, sans revenir sur les aveux de la veille.

Je l'ai trouvée si fragile.

Je retournerai m'asseoir à ses côtés aujourd'hui. 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité