Changer
Pas grand chose à dire... les jours s'écoulent dans une routine professionnelle immuable. Tout au plus, une mère, qui la semaine dernière s'est montrée particulièrement grossière...on se dit que ce n'est rien, qu'on ne peut pas plaire à tout le monde. Que malgré tout ce que l'on fait, il y aura des mécontents. Eh bien soit, c'est ainsi.
Mais alors pourquoi, si l'on sait que ce n'est qu'une exception dans la règle, pourquoi cela finit par me bouffer autant mon énergie et mon envie. Oh je vais toujours travailler avec entrain, grâce à l'ambiance dans l'équipe, grâce à certains enfants.
Mais si ce ne sont pas certains parents qui finissent par vous décourager, c'est le système en lui même ! Je ne supporte plus cette politique qui veut la performance à tout prix sans en donner les moyens. Je ne supporte plus ce manque de prise en charge du handicap quel qu'il soit ! Oh la voie de la facilité est belle : payer une misère des personnes sans formation, les mettre face à un enfant présentant des troubles X ou Y et leur demander d'aider une maîtresse bien esseulée elle aussi face au handicap. C'est parfait en fait !
Les parents sont contents car leur enfant va bénéficier d'une attention plus particulière, la maîtresse se dit "ouf, un peu d'aide ! ", l'enfant se sent entouré (quel est le risque de ne pas perdre encore plus en autonomie ? ), un adulte a trouvé du boulot (exit des demandeurs d'emploi)...l'état jubile...tout le monde est endormi !
Mais grattons , grattons un peu plus...l'enseignant ne peut dispenser que son savoir, l'employée de vie scolaire ne fait que ce que l'enseignant lui demande...mais l'enfant lui progresse t-il ? oui, un peu...petits pas par petits pas. Mais n'aurait-il pas fait des pas de géants dans un autre environnment, avec des gens compétents?
Personnellement je sais que j'ai échoué cette année. Je n'ai pas réussi à faire lire mon élève en intégration...je n'ai pas trouvé le chemin pour y arriver ! C'est un échec flagrant ! un constat simple et dur !
L'année prochaine, la structure de l'école fait qu'il n'y aura qu'une seule classe de CP...on nous annonce déjà deux enfants en intégration...à ces deux enfants s'ajoutent des enfants en difficultés scolaires,des bons et des moins bons et des enfants perturbateurs... j'ai beaucoup donné cette année, parfois l'enfant a appris à lire là où jamais je ne l'aurais cru, mais pour deux enfants c'est l'échec total. J'ai usé beaucoup d'énergie pour faire sortir certains enfants de leur douce capacité à se laisser porter, pour maintenir leur attention, pour leur donner l'envie de faire. Mais je ne suis pas sûre d'avoir envie de me relancer dans un tel combat l'année prochaine. ! je crois que je vais passer le flambeau, laisser d'autre le faire à ma place. Après tout, il serait dérisoire de croire que la terre s'arrêtera de tourner en notre absence. Ma raison me dit de changer de niveau, voir un peu autre chose...à défaut de changer de métier. Le changement est parfois salutaire.
Changer...des années que je demande maintenant à changer de département. C'est quand même triste d'être heureuse de voir arriver le facteur avec la lettre de licenciement de votre mari. Etre heureuse parce que c'est peut-être cette lettre qui vous permettra de partir du 93 ! C'est con, c'est dérisoire, c'est affolant d'en arriver là, non ?
Mon mari pointera au chômage dès lundi. Il a le projet d'une création d'entreprise avec un de ses collègues. Ils sont prêts à rebondir. j'admire...moi qui n'ai même pas le courage de changer de boulot quand je me dis que ma coupe est pleine ! je ne sais pas si j'ai su le soutenir ces derniers mois, si j'ai su l'aider ces dernières semaines. Il ne dit pas grand chose, peut-être pour ne pas me transmettre ses angoisses...lundi sa vie professionnelle prendra un autre tournant.
Et ce n'est pas seulement sa vie professionnelle qui va changer, mais aussi sa vie privée...être à la maison le temps que la société se crée, prendre du temps pour soi avant que le projet ne se concrétise et que la boîte ne le happe ! je ne sais pas de quoi sera fait demain. Je regarde l'avenir avec confiance parce que j'y crois. Mais en même temps le changement et moi ça fait deux ! j'ai dû naître avec deux pantoufles aux pieds !...oui, je sais...j'entends les petits voix qui soufflent que je suis fonctionnaire ! c'est vrai que comme cocon on ne fait pas mieux. Sortir de l'école pour y revenir de suite...drôle de vie quand même !
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