L'après.
Je suis d'une nature positive. J'ai la chance de n'être pas trop douillette et de supporter certaines douleurs. Mais parfois, lorsque je me bouge la nuit, que mes bras et mes mains me font mal, quand je me baisse dans la journée et que me relever est un effort douloureux, je me dis que mon corps est devenu bien sensible et parfois douloureux. Oh, je ne souffre pas 24 h sur 24 et ces douleurs restent tout à fait gérables et ne m'empêchent pas de vivre, mais néanmoins elles sont là. Je sais maintenant que toutes ces douleurs neuropathiques ont été déclenchées par la chimiothérapie taxol, qu'elles peuvent apparaître plusieurs mois après (ce qui est mon cas) et durer plusieurs mois.
Lorsque je me renseigne sur internet, et que je lis certains forums, je vois bien que ces manifestations douloureuses peuvent persister davantage, je lis aussi que bon nombre de femmes souffre encore plus que moi.
Et je me dis que c'est un fait, le taxol et autres chimios sont neuropathiques. Et je constate, que toutes ces femmes sont comme moi, qu'elles ne savent pas trop vers qui se tourner. Tout ceci pour dire, qu'il est regrettable, alors que l'on connaît les effets secondaires, que rien de soit mis en place pour aider les femmes à traverser cette période.
Je le conçois, la chimiothérapie est indispensable, elle m'a certainement sauvée. Je conçois qu'elle ait des effets secondaires immédiats et secondaires, c'est le cas de tous les médicaments.
J'ai juste l'impression que pour les oncologues cela reste effectivement secondaire. Et pourtant...
Il y a un sacré manque d'informations. On nous livre un document à lire avec les effets immédiats de la chimio, les façons de les soulager (quand c'est possible) mais on nous parle peu de l'après. On accepte l'alopécie, on accepte les nausées, la fatigue, les fourmillements dans les mains, les douleurs musculaires des piqûres, les ongles qui noircissent et se détachent... on accepte beaucoup. On accepte de voir sa peau rougir, brunir, picoter (voire plus pour certaines femmes) lors de la radiothérapie.
On se dit que bientôt tout cela sera fini, que la lumière est au bout du tunnel.
Je n'étais pas préparée à ce qu'il y ait une "suite". Je n'étais pas préparée à ressentir mon corps douloureusement. Je positive en me disant que cela pourrait être pire mais parfois, je me dis que plus rien ne sera comme avant, que mon corps se rappellera longtemps de cette période de ma vie. Mon corps et ma tête aussi.
Je place de grands espoirs dans la reprise du boulot. Ne plus se centrer sur soi, avancer, retrouver la normalité.
Et puis je me dis, que je suis peut-être trop impatiente avec moi- même et qu'il faut laisser le temps au temps. Ce temps qui me transforme jour après jour. Mon mari souriait hier en me regardant : "Chaque jour tu as une nouvelle tête" m'a-t-il dit, faisant référence à ma coiffure très ébouriffée du moment et complètement aléatoire. J'avais les cheveux raides, ils repoussent beaucoup plus souples et je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils frisent, mais ils ondulent c'est certain.
Mes ongles repoussent bien également. Certains sont encore marqués mais je n'ai plus l'angoisse de les voir s'arracher avec un faux mouvement.
Alors oui, les choses progressent mais d'autres choses arrivent.
Au niveau de mes règles c'est bel et bien le calme plat depuis mars dernier. Ménopause chimio induite. J'ai encore parfois des bouffées de chaleur surtout la nuit, mais moins qu'avant toutefois. Si il faut chercher un avantage à cet état de fait, je dirai que je n'ai plus ces périodes d'humeur variable liées aux menstruations, que ma peau, ne subit plus l'assaut de mes hormones. J'aurais dû franchir un jour où l'autre cette étape, je l'ai franchie plus tôt et mon corps s'adapte. De toute façon, pas de médication ou autre traitement pour "soulager" ces effets secondaires. Peut-être est-ce un bien,
Vous voyez, tout peut devenir positif en somme. Pour le moment, je gère mes désagréments assez bien, même si parfois, quand la fatigue des mauvaises nuits se fait sentir, je deviens plus fragile. C'est fou, comme je sens les larmes monter plus facilement. Je ne pleure pas à grosses larmes, mais je les sens pointer le bout de leurs nez à l'évocation de certains sujets. On se sent parfois plus vulnérable.
Dans quelques jours cela fera un an que j'ai découvert ma tumeur. Un an ... et tant et tant de choses : 3 anesthésies générales (pause du pac, recherche des ganglions sentinelles, tumorectomie), un shoot à la kétamine lors de la pause du drain suite au pneumothorax (shoot qui m'aura provoqué des "hallucinations" très particulières), deux fois 12 semaines de chimio, 33 séances de radiothérapie, des prises de sang en veux-tu en voilà, des mammos, des échos, des radio pulmonaires et autres, des scanners, des irm.... Mais que de découvertes médicales !
Quand je relis les notes de cette époque, des tous premiers jours après la découverte de la grosseur, je me rends compte que je n’ai pensé cancer que lorsque le radiologue m’a annoncé la nouvelle. Ai-je voulu faire l’autruche, encore un peu ? J’étais pourtant fatiguée, plus que d’ordinaire. Une de mes collègues m’avais-dit que je ferais mieux d’aller voir un médecin. Je comptais le faire, si les vacances ne m’apportaient pas le repos nécessaire. Et dans les semaines qui ont suivi cette découverte, face à l’optimisme du radiologue, je ne me suis pas plus inquiétée que cela. Ce qui ne m’a pas empêchée de faire les examens nécessaires.
Aujourd’hui, je pense souvent au 28 juin prochain qui devrait m’apporter une réponse. Je reste là encore optimiste.
Le compte rendu de mon rdv à Curie de décembre indique :
« La seule histoire personnelle de madame C, atteinte d’une tumeur mammaire de type triple négatif à l’âge de 44 ans, peut être évocatrice d’une prédisposition génétique majeure. On calcule pour madame C, un risque de prédisposition modéré (PPA estimée à 4 % selon le modèle de Claus). Notons que ce modèle ne prend pas en compte le caractère TN de la lésion. »
Quand je relis ce paragraphe, il y a mon côté positif qui tire la couverture à lui, lorsque je vois écrit : "risque de prédisposition modéré (4%) " et mon côté « et si je n’avais pas de chance » qui bondit à la lecture des mots « prédisposition génétique majeure ».
Putain de cancer triple négatif !
Je réfléchis beaucoup ces derniers temps... d’où peut-être aussi cette longue note. Je sais que ce cancer peut récidiver dans les deux à trois prochaines années. Alors, je crois que je vais raisonnablement garder la chambre implantable encore un peu de temps. De toute façon, je n’ai pas très envie de repasser sur le billard. Il y a encore quelques semaines pourtant, je n’attendais qu’une chose : qu’on m’enlève ce petit boitier. C’est drôle, comme les choses évoluent dans mon esprit.
Pour l’heure, je vais essayer de voir positivement les mois qui me restent avant la reprise du boulot, me reposer, me détendre. J’attends juin et ses résultats, car je sais qu’ils pourraient considérablement m’affecter. Je ne veux pas passer les prochains mois à m’angoisser. Je me dis que j’aurai bien le temps d’y penser si les tests s’avéraient positifs.
Quelle longue note ! Une bonne thérapie !