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2 septembre 2017

tumorectomie

Et voilà, l'étape que je redoutais tant, est passée : l'opération. Après 48 heures d'hospitalisation, je suis enfin rentrée chez moi.

48 heures c'est peu, quand on y pense, mais cela peut sembler une éternité, comme une cassure dans le temps, un moment à part.

Mon armure s'est fissurée, sans véritables heurts, presque en douceur. J'ai commencé à sentir monter les larmes mardi matin alors que je faisais mes courses, pour remplir le frigo avant l'hospitalisation de l'après-midi. Sans raison précise, juste en pensant aux prochaines heures, je les ai senties monter. Elles furent vite ravalées.

Le premier après-midi fut consacré à un rendez-vous avec un échographe pour repérer la tumeur et guider ainsi le chirurgien. Etrange procédé quand on y pense. Sous anesthésie locale et grâce à l'échographie, on m'a rentré dans le sein, deux longs fils métalliques : des harpons dans le jargon médical. Le premier a été enfoncé dans le fibroadénome détecté en 2013 et que l'on a décidé d'ôter, et le second dans la tumeur. Au final, ce qui devait durer 20 minutes a mis une bonne heure. Je me suis donc retrouvée avec littéralement deux fils métalliques sortant de mon sein sur une dizaine de centimètres. Un peu comme les banderilles que l'on plante dans les taureaux. Fort heureusement ces deux tiges souples ont été plaquées contre le sein par un pansement, après avoir passé néanmoins une mammographie munie de mes deux nouvelles antennes.

Elles m'ont tenu compagnie jusqu'à l'opération, le lendemain.

Ce que je retiens du lendemain ?  : l'attente.

On m'a réveillé vers 6 h 45 en me demandant d'être douchée et habillée pour 7 h 30, 8 h. Après une bonne douche à la bétadine avec mon pansement sur le sein à ne pas mouiller, j'ai revêtu la magnifique tenue pré op : blouche blanche transparente et culotte super sexy ( ironie !!!). J'étais prête à l'heure et dès lors j'ai attendu. Vers 10 h, on m'a tendu 3 antarax ( j'avais décliné ceux "offerts" la veille au soir), en me disant que les prendre allait décontracter mes muscles, faciliter le travail su chirurgien, etc... J'ai ai pris deux sur les trois. Ah, j'ai somnolé doucement...midi est arrivé... toujours rien et puis on m'a appris que l'opération n'aurait lieu qu'à 14 h 30 ! Cool.

13 h 30 un brancardier est arrivé pour me descendre. Autant vous dire que l'effet des deux antarax était déjà bien loin... pfffffffff. Arrivée en bas, j'ai cru que cela allait vite être mon tour.

De mon lit, charlotte sur la tête, j'ai vu arriver Albertine, née le 16 octobre 1935 (on retient de de drôles de détails parfois), victime d'une chute et d'un problème à la jambe. je me suis dit qu'Albertine devait être comme moi : inquiète et se demandant certainement ce qu'elle faisait dans cette grande pièce froide (car il faisait froid) où passent et repassent un nombre considérable de personnes pour lesquelles vous avez l'impression de faire partie des meubles. Voilà, nous étions deux plantes vertes, posées là, chacune à un bout de la pièce. Je pense que l'homme vêtu d'une blouse verte qui a engueulé sous notre nez la jeune demoiselle vêtue de bleu, faisant grand cas de son incompétence et de son irresponsabilité, n'a pas dû nous voir. Parce que raisonnablement, si il nous avait vues Albertine et moi, il aurait fermé sa grande G... car il aurait eu assez de décence pour se dire, que non, non, on ne crie pas sur le personnel devant les malades., car, cela n'aide pas le malade à se sentir serein ! Espèce de gros trou du C !

Albertine et moi avons donc attendu longtemps : problème dans une salle d'op ( pas de clim, pas d'électricité)... zens soyons zens Albertine. Albertine avait mal à la jambe et la déplacer de son lit à la table d'opération ambulante fut délicat. Ce le fut bien moins pour moi, mobile et ne souffrant pas.

Mon chirurgien est venu me voir pendant ce temps d'attente, pour bien me rappeler qu'il allait faire au mieux en fonction de la taille de mes seins, mais que si les résultats après analyse montraient qu'il restait des tissus malades, il faudrait procéder à une autre chirurgie bien plus lourde. Il était un peu perturbé par le fait que les examens cliniques montraient à la palpation une diminution de la masse, mais les clichés IRm et écho n'allaient pas trop dans ce sens. Inutile de vous dire que ce rappel sur les suites possibles a déclenché chez moi, de jolies rivières de larmes discrètes mais bel et bien présentes.

Il y avait donc dans cette pièce froide, des gens qui passaient comme si Albertine et moi n'étions pas là et des gens plein d'humanité comme l'équipe des anesthésistes qui m'a pris en charge ou ce médecin qui est venu s'excuser de cette très très longue attente.

Un des anesthésistes est venu pour tenter de faire rentrer dans mes veines abîmées par la chimio, le cathéter pour la perfusion. Il avait des gestes doux, une voix calme. il a tenté par deux fois de me perfuser en vain... il a dû me voir grimacer, les yeux fermés et humides. 

Puis, enfin, une salle s'est libérée et j'ai été amenée jusqu'à la salle d'opération. Une petite soufflerie chaude mise sous le drap pour me réchauffer, une troisième tentative de pose de cathéter réussie.  Mes yeux fermés et sur mon visage des larmes qui coulaient. La phrase " détendez-vous et pensez à quelque chose d'agréable " a été de trop. De gros sanglots m'ont secouée, je me suis entendue m'excuser auprès d'eux pour ce flux lacrymal incontrôlé. Ils ont été bienveillants jusqu'au bout, abrégeant mes angoisses en me plongeant dans un doux sommeil sans rêve.

De ce doux sommeil, j'ai dû émergé vers 18 heures, dans une autre salle, d'autres malades silencieux autour de moi, mais je n'ai pas revu Albertine. A 18 h 50, j'ai été reconduite dans ma chambre, où m'attendaient mon mari et mes enfants. Quelques légères larmes encore. petites pour ne pas affoler et un sourire pour rassurer. Le temps de papoter un peu, de s'assurer que j'allais bien et ma petite famille s'en est retournée à la maison, me laissant passer ma deuxième et dernière nuit à l'hopital, avec sous ma blouse de malade un énorme pansement couvrant mon sein gauche.

La nuit fut entrecoupée. La perfusion d'anti douleur assez efficace. Et le jour est à nouveau arrivé. Il me restait à attendre la venue d'un medecin qui devait m'ôter le pansement, vérifier la cicatrice et donner dans le meilleur des cas, l'accord pour un retour maison dans la journée. Le medecin est arrivée vers midi, escortée de jeunes infirmières. J'étais bien contente que ce soit une femme. Elle a défait délicatement le gros pansement pendant que je maintenais mes yeux fermés, à nouveau embrumés sous les larmes. j'ai respiré, regardé ce que je craignais tant de voir : la cicatrice, mon sein. 

je n'irai pas jusqu'à dire que la cicatrice est "belle", mais je crois que je m'attendais à tellement pire, que sa vision ne m'a pas choqué. Presque soulagée. Elle et moi faisions connaissance. 

Mon sein a une forme un peu étrange. Le tissu autour de la cicatrice est gonflé, sensible.

La "douleur" est supportable. ça tire de temps en temps. Je surveille la cicatrice, je regarde la silhouette de mon nouveau sein sans que les larmes ne m'envahissent. J'attends que tout cicatrise, j'attends les nouvelles des analyses qui vont être pratiquées. Je préfère penser que tout va bien aller, que tout a été retiré et que la chirurgie n'ira pas plus loin, mais je garde en tête que peut-être il en sera autrement.

Je me laisse le temps de m'habituer à ma nouvelle poitrine, forcément différente et moins jolie (même si cela ne se voit que dans l'intimité). Elle me rappelle que certains gestes sont encore douloureux. J'y vais doucement mais en même temps je veux revivre "normalement". 

Pour le moment, je dors sur le dos ou sur le côté droit. Pas de mouvements brusques, pas de soutien gorge avec armature, retour au soutif en coton coloré, un peu large pour ne pas serrer. Ils ressemblent fort à mes soutifs d'adolescente en fait. Je rajeunis... bonne nouvelle ! 

Une autre étape vient donc de s'achever après celle de la chimio. 

Quelques poils refont surface discrètement mais sûrement. Mon crâne n'est plus lisse. Quelques petites cheveux, tel un petit duvet, commencent à le recouvrir. Tout cela me semble bien blanc pour le moment, mais cela ne me préoccupe pas encore. Je garde mes bandanas comme couvre chef et je me dis que je vais passer pour tout un tas de coiffures différentes. Je vais tester le très court, ce que je n'aurai jamais tenté auparavant.

Voir le bon côté des choses.

S'accepter, bientôt remettre du mascara sur les cils qui ont repoussé bien vite, retrouver sa féminité un peu mise à mal ces derniers mois, mais jamais oubliée.

Etre une femme malgré tout, malgré les cicatrices, malgré ce sein gauche un peu "particulier" et ces minuscules cheveux.

 

 

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Commentaires
S
Je te trouve infiniment courageuse. Ta note m'a beaucoup émue. Les conditions d'accueil dans les hôpitaux publics en France sont une honte, et ce n'est évidemment pas la faute du personnel. L'attente, le froid, c'est juste indécent. Cela m'a serré le coeur, sincèrement, et ton Albertine m'a touchée elle aussi. L'humanité de ces personnes que tu décris adoucit un peu le portrait, mais que de violence dans ce que tu nous racontes, là où il ne devrait y avoir que douceur, bienveillance, chaleur et temps. Contente en revanche pour tes cheveux qui repoussent! Quel beau symbole d'espoir! Même si je sais que tout va bien aller, tu as le droit de pleurer. Et je sais que ta famille est là pour toi. Repose toi bien après cette épreuve. Je pense fort à toi.
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